Il y a une dizaine de jours, ces messages athées aux couleurs acidulées ont fleuri sur deux lignes de bus du centre ville de Barcelone.
Après la Grande-Bretagne et avant l'Italie, la campagne d'affichage montée par une association athée, l'Union des athées et agnostiques rationalistes, déclenche les controverses dans une société espagnole où modernité ne rime pas avec laïcité.
Réponse des évangélistes : SI ! Dieu existe !
La réponse ne s'est pas fait attendre : l'archevêché de Barcelone a déclaré dans un communiqué de presse que pour les catholiques, "la foi en Jésus n'était pas un obstacle à pour profiter honnêtement de la vie".
L'Observatorio Antidifamación Religiosa (l'observatoire anti-diffamation religieuse) a qualifié cette campagne d'illégale (info en espagnol : 20minutos.es)
Ne voulant pas rester les bras croisés, avant même l'arrivée prévue pour la fin du mois de ces publicités sur les bus de Madrid, une église évangéliste a réagi et acheté des espaces publicitaires pour placer ses propres messages sur deux lignes de transport publique madrilène (voir ci-contre) affirmant Si, Dieu existe : profite de la vie en Jésus.
Je ne peux pas m'empêcher d'être surprise par cette bataille de bus. Ma première réaction face à la campagne athée serait de sourire... Je ne suis pas croyante, j'y vois surtout un message d'optimisme et une campagne contre le défaitisme ambiant. Pourtant, quand j'y pense, je me demande si je ne me sentirais pas atteinte dans mes convictions si j'étais croyante...
La surenchère des évangélistes me paraît logique en ce sens. Ce qui me laisse le plus perplexe, passé le sourire, ce sont les motivations des athées.
Au-delà de la provocation, quel besoin ont des athées en 2009 de proclamer leur absence de foi de cette manière ? Si c'est pour faire réagir et parler d'eux, le but est atteint.
Mais on peut lire dans les médias que la campagne a été lancée en Grande-Bretagne, en réaction aux messages apocalyptiques promettant l'enfer à toutes les brebis égarées, si elles ne retrouvaient pas le droit chemin rapidement (et ne versaient pas 1000€ pour ce faire à l'église, j'imagine).
Si j'aime leur invitation à plus de légèreté et la touche d'humour, je m'interroge... les athées se sentent-ils donc menacés pour avoir besoin de réagir ainsi et de proclamer publiquement leur croyance (en l'occurrence en l'absence de dieu), en ayant recours, au passage, aux méthodes qu'ils dénoncent ?
Pour une Française habituée à la séparation de l'Église et de l'État, un de pilier de la société française, n'en déplaise à notre Président, les proportions que prend cette nouvelle croisade est pour le moins surprenante sinon surréaliste. Pour moi, l'hypothèse de l'existence du divin relève de la sphère personnelle, un point c'est tout.
Croire ou ne pas croire, c'est mon problème.
En France. Pas en Espagne.
Replaçons les bus dans le contexte du pays : la religion a longtemps structuré et structure encore la société espagnole. Le temps où la dictature s'appuyait sur l'Eglise et inversement n'est pas si loin et même si la monarchie parlementaire actuelle a rompu avec l'héritage du franquisme, l'institution religieuse occupe toujours une place importante dans la politique du pays.
Il faut savoir que l'immense majorité des Espagnols est baptisée et entre 76% et 85% d'entre eux se déclarent catholiques, pratiquants ou non. ll fut un temps où l'apostasie (ou renonciation publique à sa religion, mot que j'ai découvert ici au passage et je m'en vante pas), en plus d'être considérée comme un péché mortel, était tout bonnement impossible.
Certes, le souvenir cette époque s’efface : près de 50 % des 15-24 ans se déclarent non-croyants contre 22 % en 1994.
Pourtant, au moment des élections de mars 2008, j'ai été particulièrement choquée par les références que faisait le parti populaire (Partido Popular, de droite) à la religion et encore plus par la prise de position de l'église catholique. Les évêques espagnols ont appelé publiquement à voter contre Zapatero et le gouvernement socialiste sortant, au motif que celui-ci avait négocié avec les terroristes de l'E.T.A.
Le plus surprenant pour moi est que les uns sont d'accord, les autres non, certains s'en moquent mais personne n'est surpris...
Dans ce contexte, notamment parce qu'ils représentent la plus grande minorité religieuse du pays (selon les propos d'Albert Riba, président catalan de l’Union des athées et libres-penseurs) les athées ont tout intérêt à se faire entendre en Espagne !
Plus d'infos : LeMonde.fr ; ibere espace
actualisation : sur lepetitjournal madrid aussi on en parle : le bus qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas.
10 comentarios:
Hou le bon petit papier, intéressant et tout et tout
Eh, au lieu d'être ironique dis moi, tu connaissais toi, l'helléniste, l'apostasie ?
Moi j'avais jamais pensé qu'on pouvait souhaiter se faire rayer des listes de croyants...
et jamais entendu le mot...
A croire qu'en France, on est bons qu'à être excommuniés !
(l'action c'est excommunication... encore un mystère pour moi)
Ah mais c'était pas du tout ironique.
L'apostasie je connaissais, mais la version historique. Genre Julien L'Apostat ou les marranes, en Espagne médiévale, etc... Je savais que pour l'Eglise, c'est un péché mortel, encore un, qui revient à abandonner le catholicisme pour une autre religion. Je savais pas qu'on pouvait militer pour l'apostasie. Du coup ça m'intéresse :)
Je crois qu'en Espagne, on n'a pas besoin de passer à la mairie pour se marier, juste signer des papiers dans un bureau avant le jour J à l'église. Une autre vision des choses que la nôtre en effet. Très intéressant ton billet.
je crois que avec ce message sur le bus les athées et les agnostiques (j'en suis) prétendent montrer qu'on peut ne pas croire en Dieu sans se cacher. De nombreux croyants en font profession de foi publiquement (ex. Obama), les non-croyants veulent montrer qu'on peut également l'être sans se cacher.
Un exemple? en Espagne je connais de nombreux politiciens qui sont publiquement croyants mais je ne me souviens d'aucun qui soit publiquement non-croyant...
@zalapelle : en effet, le mariage civil n'est pas obligatoire, ou plutôt la cérémonie religieuse suffit, puisqu'on peut signer les papiers civils en plus du registre religieux. Ceci étant dit, il fut un temps où le registre de l'église catholique était seul reconnu et nécessaire, or aujourd'hui l'Espagne a rendu le mariage homosexuel possible, ce qui prouve tout de même un sacré changement de mentalités.
@Frans : merci d'apporter ton point de vue !
C'est drôle, j'ai hésité à écrire que je n'étais pas croyante en rédigeant mon post. Il faut donc croire (c'est le cas de le dire) qu'on marche sur des oeufs dès qu'on aborde le sujet de la foi (consciemment ou non).
Pas seulement quand on est un homme/une femme politique et pas seulement en Espagne.
Concernant la foi des politiques, sur ibere.espace (lien dans l'article), on peut lire qu'une mairie de banlieue de Madrid propose une assistance administrative à l'apostasie. La mairie est régie par Izquierda Unida, je suppose que ses représentants s'affirment a-religieux, non ?
Mais qu'en est-il dans les rangs des autres partis ?
à vérifier !
oops sorry zalapabelle !!! j'ai écorché ton pseudo :)
j'ai accroché sur ce billet !!!! d'habitude quand ça commence comme ça je le fini pa !!!!! la c'était vraiment interressant !!
merci CamilleB pour cette gentille remarque !
A bientôt !
J'ai bien aimé ton blog donc je te le dis !
bonne continuation !
http://lalignerouge.wordpress.com/
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