lunes, 15 de diciembre de 2014

Chez le boucher : demander les bons morceaux de boeuf en Espagne

- "Ah... un bon rumsteck, qu'est-ce-que je donnerais pour en manger un bien saignant!
- et un onglet aux échalottes, hummmmm, combien de temps ça fait que j'en ai pas mangé!
- Le boeuf, on a beau dire, il a pas la même tête en Espagne qu'en France*"...
C'est en voyant le dessin de découpe bovine ci-dessous chez Mômadrid ce matin que j'ai eu l'idée de ce post, sur un sujet qui me trottait dans la tête depuis... mon arrivée à Madrid en 2008!


Depuis que je vis à Madrid, j'ai souvent discuté de la viande de boeuf avec les Espagnols et les Français vivant en Espagne. Si, depuis quelques années, on trouve de plus en plus de restaurant inspirés surtout d'Argentine, de "carne a la brasa", où la viande de boeuf est à l'honneur, simplement en grillades, au barbecue, il faut dire qu'en Espagne traditionnellement, on trouve de la ternera. Ça devrait être du veau donc, mais apparemment, ce n'est pas forcément du "jeune" veau... (comprenne qui pourra). Dans tous les cas, que l'animal soit le même à quelques mois près ou pas, la différence est de taille. La viande de ternera est plus blanche que le boeuf, elle ne cuit pas pareil, bref, on dirait tout simplement une autre viande...

Ceci vient aussi du fait que les bouchers espagnols et français ne découpent pas leur viande de la même façon. Donc pour retrouver les morceaux auxquels on est habitués pour faire une recette en particulier, c'est pas évident! Du coup, à chaque fois que j'ai voulu faire du boeuf bourguignon, je me suis retrouvée dans l'incapacité de traduire exactement le morceau de viande que je voulais au boucher. (Il faut dire que je ne suis pas une experte, hein... et que je n'en fais pas non plus tous les dimanches!) 


La solution : un boucher français à Madrid! 

En 2009, lorsque le Mercado San Miguel a été inauguré, on y trouvait un boucher français, qui vendait, ô délice, des andouillettes, mais aussi de la viande coupée à la française... et j'ai pu faire un boeuf bourguignon, toute contente d'avoir pu simplement demander "du boeuf pour bourguignon". Le temps de déguster le-dit bourguignon et ce saint homme avait disparu, remplacé par un de ces stands de viande hâchée, qui prolifèrent dans les marchés madrilènes, où on empile les hamburguers déjà tout faits sous vide, qu'on nous vend à prix d'or sous prétexte que c'est du boeuf de Kobé, du Black Angus ou yo que sé... alors que moi je voudrais juste un bête mais bon steak hâché, qui ressemble pas à du veau ou à du cochon!

Et sinon... on regarde les découpes du boeuf! 
Ci-dessous les illustrations des deux types de découpe du boeuf, à l'espagnole et à la française.





Découpe du boeuf à la française

On y découvrira que pour avoir du filet, il faut demander un solomillo, par exemple... (c'est basique, mais ça peut aider!) Ça ne réglera probablement pas le problème de l'âge de l'animal, mais ça aidera peut-être ceux et celles qui souhaitent faire un plat en particulier et retrouver plus ou moins l'équivalent du morceau de viande qui convient le mieux pour la recette de leur pays! Et pour les autres, ce sera pour la culture ou pour satisfaire une curiosité linguistico-gastronomique!


* Ne soyons pas chauvins, ce post pourrait s'intituler en entier: "Chez le boucher : demander les bons morceaux de boeuf en Espagne et de ternera en France", car je suppose que les"problèmes" que je décris ici, les Espagnols vivant en France doivent les avoir dans l'autre sens!
Les illustrations sont publiées initialement chez: earlgrasset et l'OCU via Mômadrid

viernes, 12 de diciembre de 2014

Tu sais que tu es une maman quand...

Il y a un an exactement, je devenais maman. Depuis, ma vie a changé. Sisi! Au risque d'enfoncer des portes ouvertes, je n'imaginais pas combien ce petit bout allait bouleverser mes moindres habitudes! Tous les jours, 10 fois par heure, je pense et agis différemment, je repète un geste que je n'avais jamais fait avant, et je ne parle pas seulement de changer les couches ou donner la purée à la cuillère! Je ne m'en rends même pas compte la plupart du temps, mais parfois je prends conscience de ma condition, avec un sourire ou un soupir un peu nostalgique du "temps d'avant"...

A l'occasion de ce premier anniversaire, je me suis amusée à noter ces petits changements, que je vous livre sous forme de liste (pas très original, mais c'est facile, et ça peut se compléter...)!


Tu sais que tu es une maman*, quand
1) tu n'arrives plus jamais à sortir à temps, parce qu'il y a toujours une couche à changer quand tu mets l'enfant chéri dans sa poussette et que tu es déjà en manteau dans l'entrée, une tétine à retrouver coincée entre le lit et le mur, juste avant de partir... et tu n'arrives plus jamais à l'heure à tes rendez-vous.
2) tu n'arrives plus à sortir de chez toi sans tâches de purée, de bavouille, de fruits, amoureusement écrasés sur tes vêtements...
3) tu n'arrives plus à sortir de chez toi à temps, même quand tu n'embarques pas l'enfant chéri, parce que tu dois briefer la nounou, changer de vêtements, en trouver qui ne soient pas tâchés, et essayer de te ravaler la façade en 30 secondes top chrono... tu cours tout le temps et tu arrives quand même en retard.
4) tu n'arrives plus à sortir !
5) ton enfant chéri te sert d'excuse pour sortir en retard et pour ne pas sortir ;)
6) tu te mets à te balancer/bercer dès que tu entends le cri d'un bébé, que ce soit le tien ou pas, que tu l'aies dans les bras ou pas.
7) tu te rends compte dans le métro que ça fait 5 minutes que tu te balances d'avant en arrière, alors que tu n'as pas l'enfant chéri dans tes bras.
8) tu te rends compte au supermarché que tu es en train de bercer le caddie, vide.
9) le passage à l'heure d'hiver change de sens: avant c'était "cool une heure de plus pour dormir", maintenant c'est "eh merde, une heure de sommeil en moins!"
10) tu pars en week-end avec une valise bourrée à craquer de trucs pour ton enfant chéri, mais où tu as oublié de glisser ta brosse à dents et un slip de rechange.
10 bis) tu ne pars plus en week-end...!

... et pourtant, tout à coup, il n'y a plus de sujet aussi passionnant que l'enfant chéri, sa vie, son oeuvre!  

Et toi? Qu'est-ce qui t'a fait réaliser que tu étais, sans aucun doute possible, passée du "côté obscur de la force"?

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*je dirais peut-être "maman fatiguée", si  ce n'était un pléonasme...

miércoles, 2 de julio de 2014

S'installer en Espagne : impact de la crise sur l'emploi et l'immigration

A l'origine de ce blog était l'envie de raconter ma "migration" de Française en Espagne : en 2008, je quittais Paris pour Madrid.(voir la rubrique "tribulations d'une chômeuse en Espagne")

En juin de cette année-là, Libé titrait en une "le miracle espagnol" ou "l'Espagne qui gagne", je ne me souviens plus exactement... mais le ton était à l'admiration et à l'enthousiasme, après une coupe d'Europe remportée par la Roja, 4 années consécutives de croissance à 3%, d'excédent budgétaire, et de chômage à moins de 10%, divisé par deux en 10 ans.

En 2014, l'équipe d'Espagne se fait éliminer au Mondial au 1e tour, le chômage est à plus de 25%, ma nounou équatorienne m'annonce que son mari rentre en Equateur après 5 ans sans travail et El País titre : une hémorragie démographique sans précédents.

Déjà à mon arrivée en 2008, les effets de la crise économique commençaient à se faire sentir. J'en parlais ici même puisque cela affectait ma recherche d'emploi: les embauches ralentissaient et la pression à la baisse sur les salaires se renforçait de mois en mois. Pour un jeune expat diplômé, les annonces de petits boulots passaient d'un salaire de 18.000 € bruts annuels en mai-juin 2008 à 15.000€ en septembre puis 12.000€ un an plus tard...

Parallèlement, le chômage explosait : à commencer par le secteur du bâtiment, premier touché par l'éclatement de la bulle spéculative sur l'immobilier, on licenciait massivement. La consommation baissait, la croissance ralentissait, et rapidement les différents secteurs de l'économie ont été touchés. Des millions d'emplois, d'abord peu qualifiés, ont été supprimés et dès 2009, le chômage repassait à nouveau au-dessus des 18%.

Un durcissement des conditions de travail et de vie, qui se traduit aujourd'hui par une nouvelle émigration

Six ans plus tard, la crise, dont on n'imaginait pas, alors, l'ampleur, et qui a généré de véritables drames pour des millions de personnes, a bouleversé le paysage du marché du travail en profondeur. Même si la balance commerciale espagnole est excédentaire depuis fin 2013, même si le gouvernement (du Parti Populaire, conservateur) se targue que ses mesures d'austérité ont eu l'effet escompté et qu'on voit la fin de la crise, le chômage stagne au dessus des 26% et pour beaucoup d'étrangers en Espagne, il n'y a plus de beurre depuis longtemps et c'est la fin des haricots... L'heure est à nouveau aux migrations, mais cette fois, pour un retour au pays.

El País publie les données de l'Institut National de Statistiques sur le solde migratoire et en 3 chiffres, on prend la mesure de ce qu'on entend et entrevoit au jour le jour : en un an, un demi million de personnes a quitté l'Espagne (la majorité des étrangers)! Parmi eux, 80.000 Espagnols ont émigré pour chercher un travail. Du côté des étrangers, on constate un recul de près de 8%: soit 257.000 personnes qui sont parties...


La majorité de ces étrangers qui partent sont des travailleurs peu qualifiés, originaires d'Amérique latine, (Equateur, Colombie, Pérou et Bolivie essentiellement). Ils ont formé les bataillons de main-d'oeuvre bon marché, dans le bâtiment, dans le tourisme, la restauration ou les services de maison, dont l'Espagne a eu besoin pendant sa période faste du "béton roi". Ils se retrouvent aujourd'hui sans emploi, sans protection sociale et parfois sans maison, hypothéquée par la banque. Ils retournent chez eux, fatigués de ne plus décrocher au mieux que des petits boulots de quelques heures, payés de plus en plus mal et le plus souvent au noir.

Après les latino-américains, les plus nombreux à partir sont les Marocains, 2e population étrangère après les Roumains : ils sont aujourd'hui 6% de moins qu'en 2013.

Mais même les Chinois et les Européens sont plus nombreux à partir qu'à arriver en Espagne! Les Allemands (-2,55%), les Anglais (-1,45%) et les Français (-1%) s'en vont aussi majoritairement, de même que les Roumains (-5%). Au final, selon les chiffres de l'INE, il n'y a que les Italiens qui sont un peu plus nombreux entre 2013 et 2014 en Espagne (+0,7%) !

Si malgré tout, vous voulez tenter l'aventure et chercher un travail en Espagne

Alors, si les remarques générales que je faisais dans l'article de 2008 trouver un travail en Espagne sont encore valables aujourd'hui, il vaut mieux savoir les choses suivantes : 

1. La recherche d'emploi en Espagne est devenue une lutte pour l'emploi : aujourd'hui, les entreprises qui recrutaient des jeunes diplômés européens pour des salaires de 1.000 € par mois en 2008 "embauchent" des stagiaires aux mêmes postes.

2. La pression à la baisse sur les salaires s'est encore accentuée, et pas seulement à l'embauche: les syndicats constatent que les salaires ont littéralement baissé, puisque de source officielle, l'inflation cumulée entre 2007 et 2013 a atteint 13,5% et dans le même temps les salaires ont augmenté de 8,7% chez les salariés et seulement de 4,9% chez les cadres moyens (source: article "l'export fait vivre, mais..." de Libération, novembre 2013)

3. Pour les étrangers qui souhaitent s'installer en Espagne, l'inscription au registre des résidents étrangers, qui permet l'obtention du Numéro d'Identification des Etrangers se fait désormais sous conditions, même pour les ressortissants de l'Union Européenne : il faut pouvoir démontrer qu'on a un travail et/ou une couverture sociale, bref qu'on ne sera pas à la charge de l'Etat espagnol, pour obtenir le NIE, or c'est le sésame pour décrocher un travail légalement et payer des impôts...

4. La précarité est la règle : les CDD sont la norme et un CDI n'est plus synonyme d'une certaine sécurité de l'emploi. La réforme du marché de l'emploi du gouvernement de Rajoy en 2012 a "flexibilisé le marché du travail", c'est à dire, entre autres, facilité les licenciements. Ainsi les entreprises n'ont plus à payer autant d'indemnités aux salariés en cas de licenciement (on est passé de 45 à 33 jours d'indemnités par année travaillée).

5. Les indemnités de chômage sont plafonnées à 1.000€ par mois, et d'une durée maximale d'un an!
La fondation de l'ancien Président José María Aznar est d'ailleurs partisane de supprimer le droit au chômage et d'en faire une assurance privée... A bon entendeur!
Si vous souhaitez rentrer en France après avoir cotisé en Espagne, les conditions pour exporter vos indemnités sont drastiques... mais ce sera pour un prochain post!

viernes, 27 de junio de 2014

Escapades d'un jour autour de Madrid : Alcalá de Henares

Alcalá de Henares est une petite ville de la banlieue madrilène, à une trentaine de kilomètres au Nord-ouest de la capitale, inscrite au Patrimoine de l'Humanité par l'UNESCO. Elle doit ce titre et sa renommée à son université, une des plus fameuses et anciennes du pays, à sa vieille ville et au fait d'être le lieu de naissance de Cervantes, le Papa de Don Quichotte.

Sur le site de l'office de tourisme de la ville, Alcalá se présente comme un des "centres culturels les plus importants d'Europe" : "Bigre, ça fait 6 ans que je suis à Madrid, et je n'ai pas encore vu ça?" Quelle honte... tout de même, je ne pouvais pas retarder plus une visite dans un endroit qui paraissait si alléchant.



Et me voilà partie pour découvrir la ville. On commence par un tour à l'office du tourisme, qui nous indique les principales curiosités et les horaires des monuments et des visites: visiblement actualisés, ces horaires étaient pourtant erronés, alors attention, il est préférable de se rendre sur place et surtout de prévoir de visiter les différents lieux avant 18h, heure à laquelle tous ferment leurs portes.

Nous avons débuté la visite proprement dite par l'université si renommée. Fondée en 1499 par le Cardinal Cisneros (rassurez-vous, je m'arrête là pour les noms et les dates, si ça vous intéresse, tout est à un petit clic d'ici, sur la page d'Alcalá de Henares sur Wikipedia), les bâtiments de l'époque abritent aujourd'hui l'administration de l'actuelle université et sont ouverts en partie au public : On peut donc se promener gratuitement dans les patios ou, ce que je recommande, faire une visite guidée, seul moyen d'entrer dans différents lieux inaccessibles autrement.
La visite guidée dure 40 minutes, elle permet d'en savoir beaucoup sur l'histoire du lieu, de déchiffrer son fronton magnifique et d'entrer dans la chapelle et le Paraninfo (amphithéâtre), où se remet chaque année le prix Cervantes, pour y admirer le plafond mudéjar.

Détail du plafond du Paraninfo de l'université d'Alcalá de Henares

Les repas d'un bébé ayant des horaires qu'il vaut mieux respecter, nous avons enchaîné avec un déjeuner à l'Hostería del Estudiante. Si l'endroit a conservé le nom et le style, il n'a plus rien à voir avec le restaurant universitaire qu'il a été, puisqu'il s'agit d'un des meilleurs restaurants de la ville, et certainement l'un des plus guindés. Le lieu vaut le détour, car on poursuit le voyage dans le temps, devant la grande cheminée, le mobilier en bois foncé et aux formes rustiques, et même à la lecture du menu, qui propose des spécialités de l'époque de Cervantes et de la région de Castille. Pas très branchés par ces spécialités du XVI-XVIIe siècle (perdrix, tripes, pot-au-feu...), surtout par 30º, nous avons pris des plats plus modernes, viandes et poissons, simples et bons. Nous avons en revanche goûté le dessert local, la costrada de Alcalá, un mille-feuille avec de la pâte feuilletée et de la crème patissière: pas mal du tout!  

Après déjeuner, la Cathédrale nous attendait : Elle est la seule au monde avec l'église Saint-Pierre de Louvain, à porter le nom de "cathédrale magistrale". Là encore, avec un tel titre, je m'attendais à quelque chose de... magistral? Hé bien pas du tout: le terme de magistral lui vient du fait que les chanoines devaient être docteurs en théologie et n'a rien à voir avec l'architecture... Et il faut avouer que l'édifice, de style gothique isabelin n'a rien d'exceptionnel, d'autant que la cathédrale a souffert d'un incendie pendant la guerre civile (1936-39) et qu'elle a été reconstruite par la suite, sans les chapelles. Dans le cloître (également décevant par ailleurs) une exposition sur les "Saints Enfants" patrons d'Alcalá de Henares apporte quelques éléments d'information sur les origines de la ville et l'histoire du diocèse. Images et infos relèvent un peu la visite (2 € sans audio-guides), qui par ailleurs n'est pas franchement ébouriffante.
 
Mais le plus sympa, c'est de déambuler dans la vieille ville : sous les arcades de la calle mayor, le rythme est bien plus tranquille qu'à Madrid. C'est tout petit mais les belles pierres et les maisons basses ponctuent la balade, et surtout, les terrasses sont nombreuses et les tapas généreuses

En conclusion :
La visite est chouette, mais pas inoubliable. Les bâtiments du centre ville méritent leur titre de Patrimoine Mondial de l'UNESCO, certes, mais on en a vite fait le tour. Cette appellation n'est d'ailleurs pas super rare (9 villes espagnoles sont "ciudades patrimonio"), et pour une escapade d'une journée en dehors de Madrid, Aranjuez, également patrimoine de l'humanité, vaut plus le détour, à mon avis (bien qu'un peu plus éloigné et moins facile d'accès).

Nb: Il faut toutefois reconnaître que nous avons manqué plusieurs monuments et musées : le site romain, qui n'est pas situé directement dans la ville actuelle, est semble-t-il à voir. Mais avec un petit bébé, nous avons fait volontairement l'impasse dessus ainsi que sur le musée Palacete Laredo, et nous avons préféré nous promener dans la ville et le parc. Petit regret: on a aussi raté la maison natale de Cervantes qui fermait à 18h (mais franchement, les regrets sont limités, d'abord parce qu'il y a des maisons où Cervantes a vécu/mangé/écrit dans toute la Mancha et puis je ne suis toujours pas allée visiter le musée Cervantes à Madrid alors...) 

DONC :
- Si vous avez peu de temps à Madrid et ses environs, ce n'est pas la priorité nº1.
- Si vous passez un peu de temps à Madrid et avez envie de sortir de la grande ville, pour voir en une demi-journée une architecture typique de Castilla-La Mancha, avec ses belles pierres, ses maisons basses et ses rues piétonnes où il fait bon se promener, c'est un bon rapport temps-dépaysement.
- Si vous vivez à Madrid, que vous avez déjà vu Tolède, l'Escorial et Aranjuez, oui clairement, c'est une visite à faire : c'est très dépaysant et c'est à quelques minutes de voiture, de bus ou de train, donc je recommande.

Pratique : le site de l'office de tourisme d'Alcalá de Henares répertorie les monuments et donne toutes les infos pour Y aller, y manger et que visiter (le français laisse à désirer mais on comprend grosso-modo le message)

viernes, 20 de junio de 2014

Felipe VI, nouveau roi et renouveau royal en Espagne

Les cérémonies de couronnement du nouveau roi d'Espagne se sont déroulées hier, 19 juin. Felipe VI a prêté serment et fait son discours d'intronisation devant le Parlement à Madrid. Il s'est employé à séduire alors qu'il hérite de la lourde tâche de redorer le blason de la monarchie espagnole.
Felipe VI, Letizia et les infantas Leonor et Sofia.
Le message clé : renouvellement
La monarchie est encore loin d'être enterrée puisqu'une majorité d'Espagnols y est semble-t-il attachée, mais les déboires de Juan Carlos sur son yacht, ou à la chasse à l'éléphant ainsi que la mise en examen de l'infante Cristina après celle de son handballeur de mari ont ébranlé la popularité de la Casa Real. Ce désamour est particulièrement notable auprès des jeunes et des électeurs de gauche.

Dans ce contexte, il était vital que Felipe VI montre une volonté de rupture avec le passé, au moment de monter sur le trône. Bon, évidemment, ça fait 40 ans que le petit Felipe se prépare pour devenir roi et on ne risquait pas de le voir faire la révolution et envoyer balader toutes les convenances... Comme le protocole l'imposait, il a prêté serment en uniforme militaire et a reçu de son père la ceinture rouge de capitaine général des armées, mais quand même, pour les observateurs avertis, il semblerait qu'un air frais souffle au Palais.

Sans aucun doute conscient de l'enjeu de l'exercice, Felipe VI a multiplié les signes de cette volonté de "renouveau" :
1) la cérémonie a été laïque, et contrairement à ce qui s'était passé pour son père il y a 39 ans, il n'y a pas eu de messe célébrée à la cathédrale.

2) Seule Elena, une des deux "infantas", soeurs du nouveau roi a assisté à la cérémonie, avec son fils Froilan : Cristina et sa famille n'étaient pas présents.

3) Par un effet bienvenu de l'organisation des cérémonies, Juan Carlos n'était pas présent lorsque Felipe a prêté serment puisqu'il l'a laissé au Palais de la Zarzuela où le père avait remis la ceinture rouge au fils.

4) Prenant ses distances avec les affaires, il a promis "une monarchie intègre, honnête et transparente".

5) A part le gimmick lui-même de "monarchie renouvelée pour des temps nouveaux" déjà martelé auparavant et visiblement le message que la Casa Real voulait imposer dans les esprits, Felipe VI a filé la métaphore en déclarant aborder son règne avec "l'esprit ouvert et novateur qui inspire les hommes et des femmes de [sa] génération", tout au long d'un discours qui se voulait résolument ancré dans son siècle, où ont eu droit de cité nouvelles technologies, environnement et rôle de la femme dans la société.

6) Last but not least, à en croire les commentateurs de la chaîne antena 3, c'est ce même désir de renouveau et de proximité avec le peuple qui a amené Felipe à effectuer debout dans une voiture découverte le chemin qui l'a amené du Congrès des Députés au Palais Royal...
S'il ne fallait qu'un tour en voiture découverte pour se rapprocher du peuple, je pense qu'on verrait plus souvent nos gouvernants se balader en décapotable (en France c'est ptet plus hasardeux, vu les conditions météo du dernier début de mandat!)), mais ce n'est que mon avis !

Dans les boutiques, drapeau et photo du couple royal: 
moderne, non?

Féminisme et modernité!
Les commentateurs voient dans cette modernité et humilité affichées l'influence de sa femme, Letizia Ortiz, une "roturière", ex-présentatrice télé et divorcée! Letizia, issue de la classe moyenne, avec qui Felipe s'est marié par amour (ça c'est moderne!) souhaiterait, disent-ils, oeuvrer pour rapprocher la monarchie de ses sujets et de leurs préocupations.
La rumeur court notamment que le couple royal prendrait comme première mesure la suppression de la révérence pour les dames... Hé ouais, on y pense pas assez, mais il est vrai que c'est une injustice criante : on a vu Mesdames les ministres esquisser cette petite génuflexion devant le roi puis hésiter devant Letizia, tandis que Messieurs les ministres leur tendaient la main normalement.

En 2014, c'est vrai que c'est un peu has-been, alors pourquoi pas supprimer la révérence, ça coûte rien et ça fait moderne. En revanche, si je puis me permettre, ce n'est peut-être pas la première préoccupation des Espagnols...

Le discours du Roi en intégralité  

viernes, 13 de junio de 2014

Accoucher dans le public à Madrid : l'accouchement à la maternité O'Donnell

Cela fait près de 3 ans que je n'avais pas écrit dans ce blog. J'ai expliqué en partie le pourquoi de ce silence prolongé dans mon post sur l'expat à long terme, mais une autre raison et non des moindres est l'arrivée dans ma vie d'un p'tit bout de 3,3 kg, en décembre dernier. Tout à coup, il y a un peu plus d'un an, c'est terriblement banal et horriblement ennuyeux pour les non-parents, ma vie s'est trouvée bouleversée et centrée presqu'exclusivement sur la grossesse, la préparation de l'accouchement et la venue au monde d'Emmanuel.

Aujourd'hui je ne vous raconterai pas l'Odyssée pour obtenir le sésame administratif pour accoucher à Madrid, j'irai droit au sujet qui intéresse les futures mamans: comment est la Maternité et comment s'y passe l'accouchement!

J'ai accouché à la Maternité de l'Hôpital Gregorio Marañon de Madrid, plus connue comme Maternité O'donnell, le 12 décembre 2013.
Il y aurait beaucoup à raconter et me connaissant je pourrais écrire un roman, alors je vais essayer d'être synthétique et de rassembler les principales questions en 5 points. 

1- La maternité :
Située près du Retiro, sur l'avenue O'donnell, vous ne pouvez pas la rater : "c'est marqué dessus c'est comme sur le port-salut"! Le bâtiment a fière allure, c'est un modèle du genre : très moderne (le bâtiment date de moins de 10 ans), les installations sont parfaitement équipées (le service de néonatologie est tout neuf et très réputé), les salles et les couloirs ont de la lumière naturelle, et bien que ce soit un très grand hôpital universitaire qui accueille beaucoup beaucoup de mamans (j'y reviendrai), on ne se sent pas dans une usine.
Avant : vous pouvez la visiter sans problème, il y a des visites organisées 2 fois par semaine, des membres de l'équipe de gynécologie vous présenteront l'hôpital, vous expliqueront les procédures et vous feront visiter les endroits que vous verrez ensuite dans le feu de l'action. 
Y accoucher : vous pouvez choisir d'y accoucher sans souci , en revanche, ne vous attendez pas à y faire le suivi de la grossesse : celui-ci se fait dans vos centres de santé et de spécialités dont vous dépendez. Vous n'y serez suivie que si vous habitez juste à côté ou pour des cas particuliers qui nécessitent une prise en charge spécifique.
Y aller, les contacter : voir les téléphones et moyens de transport sur la page du site de l'Hôpital 

2- L'inscription et l'accueil 
L'accueil se fait aux urgences de la maternité, le jour J. On ne s'inscrit pas auparavant, il n'y a aucune formalité à accomplir en amont. L'accouchement est considéré comme une procédure d'urgence, c'est donc aux urgences qu'on se présente lorsque le moment est venu, quel que soit l'endroit où on a été suivie pendant la grossesse, et c'est à l'accueil desdites urgences que l'hôpital crée un dossier à notre nom. Les services n'ont pas accès aux données du suivi de grossesse, même s'il a été fait à Madrid dans le public. On vient avec son dossier médical bien sûr, mais de toutes façons, c'est l'équipe présente qui nous prend en charge et qui demande les examens nécessaires pour le bon déroulement de l'accouchement. Après le monitoring et l'auscultation, si c'est l'heure H, on vous pose l'intraveineuse et on vous donne vos habits de gala: une belle chemise de nuit aux couleurs de l'hôpital, plus un sac plastique où ranger vos vêtements, avant de vous transférer en chambre ou en salle d'accouchement.

3- Ce qu'il faut savoir sur l'accouchement-type à la Maternité O'donnell 
Raconter mon accouchement à moi serait si long qu'il y aurait matière à un post entier, ici je vais me concentrer sur les principales caractéristiques d'un accouchement à la maternité d'O'donnell.
- On est dans le public : l'accouchement et le séjour à la maternité sont entièrement gratuits et tous les soins sont compris.
- L'hôpital est top du point de vue professionnalisme : les sages-femmes et l'ensemble des médecins sont ultra compétents et bienveillants, des urgences au transfert dans la chambre avec bébe. Mention spéciale au personnel de l'étage de surveillance prénatale : jeunes, sympas, prévenants et rassurants. Un peu moins aux urgences, où des internes s'y sont prises à 3 pour me poser l'intraveineuse...  
- Il y a 9 salles d'accouchement, où l'on est installée dès qu'on est en travail, et on y reste jusqu'à deux heures après l'accouchement. Les sages-femmes passent toutes les 3 heures, le reste du temps on est seuls avec papa (ou la personne de notre choix), couchée sur le lit sur lequel on va accoucher. 
- Type d'accouchement : C'est un gros hôpital universitaire, ce qui signifie qu'on y applique les protocoles à la lettre et qu'aucun risque n'est pris ni pour maman ni pour bébé.
Le point positif c'est qu'on se sent bien pris en charge et qu'on sait que sur le plan médical, on est totalement en sécurité, ce qui est le principal.
Le mauvais côté de la chose, c'est que si vous voulez un accouchement naturel, en revanche, il faudra repasser : on est dans un hôpital où se déroulent des tas d'accouchements, donc les protocoles priment sur les éventuels désirs particuliers de la patiente.
Rassurez-vous, l'essentiel est là : le papa est présent tout le temps (on lui demande de sortir pour une partie des soins, mais mon chéri a dit qu'il souhaitait être là), on fait le peau-à-peau avec bébé, mais aussi bien péridurale, qu'ocytocine qu'épisiotomie sont au programme quasi-obligé. L'ocytocine est forcément associée à la péridurale, c'est le protocole. Et l'épisiotomie est considérée comme préférable à une éventuelle déchirure. Pas de lavement, ni de rasage en revanche. Mais il n'y a pas de culture de prise en charge alternative de la douleur, on est monitorée en permanence et qui dit "péridurale" dit "bloquée sur le lit". 
- La position une fois en salle d'accouchement est allongée, on ne m'a pas proposé d'en changer. Une fois dans les étriers, la sage-femme était concentrée sur la sortie et m'a positionnée sur le côté sans franchement me demander mon avis. On ne m'a pas non plus proposé de miroir, ni de sortir bébé. Peut-être d'autres l'ont-elles demandé et obtenu?
Quoi qu'il en soit, la sage-femme a été efficace et ses assistants aussi, et les échos que j'en avais eu avant étaient similaires, c'est le principal!  

4- le séjour
- Le séjour dure 48 heures. Point. 5 jours si vous avez accouché par césarienne. Donc, sauf si on constate que vous allez mal, au bout de 2 jours vous rentrez chez vous.
le plus : on est vite rentrés et c'est tant mieux parce que le ballet incessant des médecins, infirmières, pédiatres, etc. qui omettent la plupart du temps de se présenter et de dire ce qu'ils viennent faire là, n'est pas spécialement reposant ni rassurant.
le moins : 2 jours de maternité c'est court, cela signifie qu'on ne vous enseigne rien, et qu'à la sortie il est probable que vous n'ayez pas encore eu de montée de lait. Et vous vous retrouvez un peu seule, lâchée dans la nature avec votre bébé tout neuf...  Quand c'est le premier, on se sent un peu démunie...

. Pour éviter de trimbaler votre garde-robe et celle du ptit bout, et d'arriver avec une valise plus lourde que si vous partiez 15 jours aux sports d'hiver, sachez que les chemises de nuit de maman et les bodies de bébé sont fournis par l'hôpital. Les coupes budgétaires n'ont pas (encore?) eu raison de la qualité des services du service public : au Gregorio Marañon comme dans les maternités publiques de Madrid en général tout est fourni (même les serviettes hygiéniques et les couches de bébé!) pas besoin donc de vous prendre la tête sur quoi emporter : hormis des slips jetables, vos produits de beauté si le savon neutre ne vous convient pas et vos tenues de sortie respectives, inutile de se charger!

- Le séjour se fait en chambres individuelles et bébé dort dans la chambre
Les visites sont autorisées 24h/24. Cela vaut aussi pour les conjoints bien.sûr, qui peuvent dormir dans la chambre, sur un fauteuil prévu pour... Pas super confortable à la base, en plus, le nôtre était cassé... mais bon, ce ne furent que quelques heures de sommeil de toutes façons.

- Le personnel en chambres est nettement moins sympathique que côté accouchement, les infirmières bourrues sont plus nombreuses que les gentilles... mais peut-être est-ce le hasard?

-La nourriture : c'est de la nourriture d'hôpital, elle est gratuite elle aussi et elle ne mérite aucun commentaire, elle est frugale et insipide. Prévoyez de l'eau en bouteille ou envoyez papa en chercher, parce qu'il fait chaud dans les chambres.

5 - Les soins du bébé
A la naissance, on le pose sur vous pour faire le peau-à-peau et "la tétée d'accueil", et en principe on vous laisse tranquilles pendant deux heures. Puis on lui fait les soins de la naissance, on le nettoie, et on lui fait les quelques tests qui prennent quelques minutes.
- Par défaut, on lui fait une injection de vitamine K et on le vaccine contre l'hépatite B dans les heures qui suivent - sauf si on s'y oppose, ce que je n'ai pas fait -.
- C'est le personnel qui donne le bain dans le lavabo prévu à cet effet dans la chambre et ce sont aussi les infirmières qui le changent.
- On vous encourage à allaiter au sein, en principe, mais on n'hésite pas à vous proposer un biberon ou une pipette de lait. A vous de juger...  
- La pédagogie n'est pas le fort des infirmières et puéricultrices qui viennent voir bébé, le peser, lui prendre la température, le changer... Il faut parfois s'imposer pour exiger qu'on vous explique ce qui se passe et pourquoi. Un exemple : à 48h exactement, on vient chercher bébé pour lui faire des examens supplémentaires. Comme notre petit bout est né à 1h55 du matin, 2 infirmières sont arrivées à cette heure-là dans la nuit, nous ont tous réveillés en sursaut en parlant fort et en allumant la lumière, pour prendre bébé qui dormait dans son lit et l'emmener faire des tests avant de le ramener 15 minutes après, des tests dont le médecin a bien voulu nous expliquer le pourquoi le lendemain matin...

Voilà, je crois que j'ai abordé les principaux points qu'il faut connaître pour choisir la maternité où l'on va accoucher. Comme prévu, il me reste encore bien des choses à raconter sur ma propre expérience, alors ce sera pour un 2e post!

Conclusion : je recommande sans hésitation l'hôpital gregorio marañon et la maternité O'donnell pour y accoucher. A moins que vous ne souhaitiez à tout prix un accouchement le moins médicalisé possible... La maternité O'Donnell est vraiment un endroit agréable pour mettre votre bébé au monde et les petits accrochages avec le personnel en chambre, qui peuvent se produire aussi bien ailleurs, sont vite oubliés, du moment que bébé va bien.
Personnellement, pour le 2e, si je suis encore à Madrid, j'essaierai probablement d'aller dans une maternité un peu plus branchée médecines alternatives...   

Voilà l'adresse d'un post qui date un peu mais reste valable je pense : un accouchement raconté par une Française à l'hôpital de La Paz en 2008.

miércoles, 11 de junio de 2014

Felipe de Asturias sera Felipe VI

Depuis l'abdication de Juan Carlos I, le 2 juin, le processus de succession est en cours au sein des institutions espagnoles, qui se préparent pour permettre la proclamation du nouveau roi, Felipe VI, le 19 juin, au Parlement à Madrid.
Evidemment, le sujet occupe l'espace public et les débats sur le processus lui-même s'étendent au bien-fondé et à l'avenir de la monarchie parlementaire.

Ce qui a frappé la Française que je suis, tellement habituée à la République et à voter pour élire son président, que devenir chef d'Etat parce qu'on est né dans la bonne famille au bon moment, paraît une aberration doublée d'une injustice héritée d'un autre âge, c'est le nombre de gens comme vous et moi, les pieds bien dans le XXIe siècle, sans jabot ou perruque poudrée, et pas forcément grenouilles de bénitier ou va-t-en-guerre, qui sont plutôt favorables à ce que Felipe succède à son père, Juan Carlos.

La monarchie espagnole en crise? 
- Oui il y a eu des manifestations en faveur de la République, le 2 juin dernier, et ce dimanche, les photos ci-dessous ont tourné côte-à-côte sur les réseaux sociaux, pour tourner en ridicule la poignée de monarchistes qui a souhaité faire une contre-manifestation "en faveur de la constitution espagnole et de la monarchie parlementaire", samedi 7 juin.
http://www.huffingtonpost.es/2014/06/02/fotos-republica_n_5434110.html?utm_hp_ref=spain
En faveur de la République - GTRES

En faveur de la Monarchie, samedi 7/6/2014




- Oui, une semaine après l'abdication, dans 40 villes d'Espagne, des milliers de personnes manifestaient à nouveau pour un référendum et le droit de décider si oui ou non Felipe doit monter sur le trône.


- Oui, il y a une érosion de la popularité des Bourbons, comme le montre le graphique ci-dessous
http://www.eldiario.es/agendapublica/nueva-politica/monarca-debera-escuchar-jovenes-izquierda_0_266674440.html
Moyenne de "confiance dans l'Institution Monarchique". Echelle d'autopositionnement idéologique. Source CIS.

- Oui, il y a eu des remous lorsque le journal satirique El jueves s'est vu censurer une "une" jugée trop "sans-culotte" (à droite ci-dessous, le roi remet une couronne nauséabonde à son fils) par sa maison d'édition

http://www.elperiodico.com/es/noticias/politica/dibujantes-jueves-acusan-rba-censura-portada-rey-3292359

Une majorité d'Espagnols en faveur de la monarchie 

Pourtant, nombreux sont ceux qui ne voient pas d'un mauvais oeil que l'Espagne demeure une monarchie parlementaire, à commencer par les deux principaux partis, Partido Popular (PP) et Partido socialista obrero espagnol (PSOE, parti socialiste), qui vont voter au Parlement la loi organique nécessaire à la succession et dont les leaders ont été impliqués dans la préparation de l'abdication.

Alors... que le PP, qui rassemble les différents courants de la droite, parmi lesquels les plus conservateurs, les héritiers du franquisme, les monarchistes, les catholiques, etc... soit un bastion de la monarchie, ça paraît logique, mais que le Parti socialiste ouvrier espagnol y soit favorable (seuls deux députés PSOE ont réclamé la liberté de vote pour le vote de la loi organique d'abdication, et s'ils rompent la discipline du parti, ils recevront une amende de 400€) vous avouerez que ce n'est pas totalement évident...

Et selon un sondage metroscopia pour El País, une majorité des Espagnols serait favorable à un référendum (62%), mais près de la moitié des interviewés déclare être, dans ce cas, disposés à voter pour une monarchie et pour Felipe comme roi. Et même chez les votants socialistes, on compte plus de potentiels votants pour la monarchie que pour la république (46% vs 43% respectivement)!

"Un référendum devrait-il être organisé pour que les Espagnols décident s'ils préfèrent que l'Espagne demeure une monarchie?" 
Sondage Metroscopia pour EL PAIS

Dans le cadre d'un référendum où vous seriez appelés à choisir entre une monarchie avec Don Felipe comme roi et une République présidée par une figure publique d'importance, que choisiriez-vous? 

http://elpais.com/elpais/2014/06/06/media/1402074496_679180.html
Sondage Metroscopia pour EL PAIS
49% une monarchie avec Don Felipe comme roi (79% chez les votants PP, 46% votants PSOE; 7% votants IU)
36% une république présidée par une figure publique d'importance. (11% PP, 43% PSOE; 86% IU)
PP: Parti Populaire; PSOE: Parti socialiste; IU: Izquierda Unida, gauche unie. 


5 raisons du soutien des Espagnols à la monarchie

1) D'abord la popularité de la monarchie a tenu au rôle et à la personnalité de Juan Carlos, et pendant longtemps, on a compté plus de juancarlistas, dont j'ai déjà parlé dans mon post sur l'abdication du roi, que de monarchistes en Espagne. Des 2 bords, certains voyaient en lui un rempart contre leur pire cauchemar: rempart contre le retour de la dictature militaire pour les uns, rempart contre la "chienlit" dont parlait un grand démocrate bien de chez nous, pour les autres.   

2) Le roi est une figure publique stable, une institution, par définition: l'homme incarne la fonction, il devient un symbole de l'unité d'une nation, comme le drapeau, ou l'hymne, et il est bon que la représentation de l'Etat-nation s'inscrive dans la durée.

3) Le roi est une figure apolitique, disent les partisans de la monarchie parlementaire, une figure publique, qui représente l'Etat espagnol dans la continuité, indépendament des orientations partisanes et sans être soumis à la temporalité des débats politiques.

3 bis) Dans sa fonction de représentation, il incarne l'Etat "sans arrières-pensées", et peut intervenir dans des moments de communion nationale, aussi bien festifs de tragiques, sans être soupçonné de vouloir récupérer l'événement pour des raisons électoralistes.

3 ter) Il voit justement ses pouvoirs limités à des fonctions de représentation, qu'il remplit aussi bien que n'importe qui, voire mieux puisqu'il parle a priori plus de langues que nos élus, et a été formé au protocole et n'empochera pas le stylo qui a servi à signer l'accord intergouvernemental devant les caméras du monde entier...

4) Le roi dans une monarchie parlementaire est contrôlé par le Parlement, par les élus, et c'est donc le peuple, qui décide in-fine des pouvoirs, du traitement et des droits qui sont accordés au souverain et à sa famille. Cela évite d'une part, les dérives d'un Président issu de la majorité qui pourrait, se faire voter des pouvoirs extraordinaires, ou, suivez mon regard, une augmentations de salaire, et d'autre part, le risque d'abus de biens...

5) Se sachant sur un siège éjectable, dépendant de la volonté du peuple, mais sans être totalement légitimé par un suffrage universel, le roi, par une sorte de mécanisme d'auto-censure, agirait dans le cadre de ses pouvoirs limités, de manière plus modérée, et dans l'intérêt réel et à long-terme du pays, alors qu'un Président issu d'un mouvement politique et qui connaîtrait la fin de son mandat, serait plus tenté de profiter au maximum des ors de la République, personnellement, ou dans l'intérêt de son parti.

Des arguments qui peuvent être débattus et pour certains retournés facilement mais qui prêtent à réfléchir à notre Ve République et aux garde-fous du pouvoir, non?

Plus d'infos et d'avis sur la question (pour les hispanophones):
Luis Arroyo: Para que sirve un rey
Agenda Pública: La legitimidad de Felipe VI pasa por la izquierda y los jóvenes
El País: La mayoría de Españoles desea una consulta sobre el modelo de Estado
Dossier de El País sur l'abdication du roi 


lunes, 2 de junio de 2014

Le Roi Juan Carlos I a abdiqué le 2 juin 2014

Le Roi Juan Carlos I a abdiqué aujourd'hui, lundi 2 juin 2014, au profit de son fils, Felipe, Prince d'Asturies. Mariano Rajoy, chef du gouvernement, a fait l'annonce de la décision du roi dans la matinée, et Juan Carlos s'est exprimé à la télévision et à la radio à 13 heures pour expliquer les raisons d'une décision qu'il dit "motivée par des raisons politiques et le besoin de renouveau  de l'Espagne".

http://s2.lemde.fr/image/2014/06/02/534x267/4430239_3_0845_le-prince-felipe-prendra-la-succession-de-son_36a53a128fc3af811ef43728df0108d7.jpg

Décidément!!!! la Roja qui remporte la coupe d'Europe, puis du monde, la crise économique du siècle, le mouvement des indignés du 15M, la fin du bipartisme, la démission du Pape (oops, je m'emballe...), j'ai été témoin en 6 ans en Espagne d'événements historiques sans précédents!

Evidemment, vu de France, la monarchie paraît un brin obsolète, et on pourrait ne voir dans ce roi qui abdique qu'une anedcote, une rémanence folklorique coûteuse au pire, un archaïsme au charme surrané et exotique au mieux.
 
Mais le départ de Juan Carlos est un événement important non seulement en raison du rôle qu'il a joué dans l'histoire de la démocratie espagnole, que même ses détracteurs reconnaissent comme fondamental, mais aussi de par les interrogations qu'il ouvre pour l'avenir de la monarchie dans une Espagne en crise.

Un symbole de stabilité et d'unité du "royaume d'Espagne" qui disparaît
Le Roi Juan Carlos I, arrivé sur le trône en 1975, à la mort de Franco qui l'avait désigné comme son successeur, a longtemps eu des partisans dans tous les camps politiques et dans toutes les couches de la population. On compte des "carlistas" (partisans de Juan Carlos) à droite bien sûr, mais aussi parmi à gauche, chez les Républicains(!) car beaucoup considèrent qu'il a agi, dans la transition démocratique, comme un rempart contre un coup d'état militaire et un retour de la dictature. Son rôle dans la crise du "23F" en 1981, tentative de putsch raté, qu'il a contribué à faire échouer en n'apportant pas son soutien aux putschistes, explique notamment sa popularité.

Une autre raison est qu'il a su trouver le ton juste dans son rôle de chef d'Etat: maniant l'humilité sans être dépourvu de ce qu'on pourrait appeler un certain "panache", à différents moments (cherchez par exemple "por qué no te callas" sur google, la phrase a fait son petit effet...) , assumant son rôle de représentation sans interférer dans les politiques menées par les gouvernements successifs, mais en assurant une place à l'Espagne dans le concert des Nations. La sympathie dont il a bénéficié viendrait aussi de son côté proche du peuple, paradoxalement. D'un côté, on ridiculise volontiers "los Borbones" (les Bourbons), de l'autre, on salue la simplicité bonhomme du roi.

La fin d'une ère, un changement... 
... de génération? 
Pourtant cette popularité s'est émoussée et l'abdication marque aussi la fin d'une ère, avec le départ d'un homme dont les frasques récentes (parties de chasse en Afrique et maîtresse connue de tous, installée sur la propriété du roi...) ont fait perdre une grande part du respect que les Espagnols portaient à la monarchie. Les affaires touchant son gendre, Urdangarin et sa fille, l'infante Cristina, ont contribué également à ouvrir une faille dans l'estime dont bénéficiait la famille royale.
Juan Carlos explique d'ailleurs son départ au nom du "renouveau" dont l'Espagne a besoin, et annonce qu'"une nouvelle génération est prête [...] pour affronter les défis de demain".
Son fils se prépare à affronter non seulement cette crise de désamour, mais aussi le possible éclatement de l'Espagne, avec les projets de la Communauté autonome de Catalogne de consulter les Catalans sur l'autonomie de leur région. 

"La révolution ne sera peut-être pas télévisée", mais l'abdication du roi a été twitée! 
La Casa Real a annoncé sur twitter l'abdication en images et aussitôt, les hashtags sur le départ du roi se sont multipliés, certains ironiques, d'autres respectueux. #Gracias Majestad, #el ReyAbdica...

... de régime ? 
Très vite, les twittos ont relayé l'information que 3 formations politiques de gauche appelaient à un référendum pour décider de la suite à donner à cette abdication. En principe, les textes prévoient qu'avec un Conseil des Ministres exceptionnel et une loi, la succession du Prince Felipe sur le trône soit assurée dans les semaines qui viennent. Mais Podemos, Izquierda Unida et Equo, partis de gauche et écologistes, réclament l'organisation d'un référendum pour en décider, souhaitant que le Prince Felipe se soumette à la volonté du peuple exprimée par les urnes.

Ce soir, la Puerta del Sol de Madrid est devenue une fois de plus l'épicentre des manifestations organisées dans toute l'Espagne par ceux qui réclament le changement : changement en faveur de la République et pour l'organisation d'un référendum pour que les Espagnols puissent décider s'ils veulent encore de la Monarchie. Les drapeaux de la République Espagnole (rouge,or et violet, drapeau de la IIe République, de 1931 à 1939) flottaient sur la place, tandis que les hashtags #IIIRepublica et "#AporlaTerceraRepublica sont devenus trending topics sur twitter!

Affaire à suivre! 

PS: Voir le photorama du figaro pour plus d'infos sur le règne de Juan Carlos Ie en images. 

miércoles, 16 de abril de 2014

Post-scriptum... Expat' à long terme


La migration ne s'est pas terminée encore,
et ce blog n'est pas totalement mort!

On aurait pu en douter, c'est vrai, à en juger par la fréquence des derniers posts et surtout par un silence de près de trois ans, à quelques jours près!

Pourtant je suis toujours à Madrid et avec des tas d'anecdotes accumulées pendant tout ce temps! Mais il est vrai que le format blog d'expat' quand on est installé depuis six ans dans un pays, n'est plus forcément le plus adapté pour raconter ses expériences.


L'expatriation, c'est un peu comme certaines relations amoureuses...
Au départ on se découvre, on s'émerveille,
et puis, passé l'attrait de la nouveauté, on s'installe.
On se connaît, on s'aime certes, ce n'est pas pour rien qu'on s'est engagés, mais on est moins "étonné et ravi". On fait partie du paysage, qui ne nous dépayse plus tellement. On s'agace, on s'exaspère, puis on se détend à nouveau, avant la prochaine contrariété, la prochaine crise...
Et l'écueil de l'habitude se profile.
Il faut parfois faire un effort pour ne pas figer l'autre dans l'idée qu'on s'en est faite, pour "se souvenir des belles choses"...  Il faut garder son oeil neuf, ce qui n'est pas toujours évident, et, parfois, réinventer des raisons d'aimer, des raisons de rester. 


Il s'est produit, pour la cigogne aussi, ce désamour.
Il y a eu les moments de doutes, provoqués par certaines réflexions dans le milieu du travail, par le manque de perspectives dans un pays que la crise a rendu plus dur 
Il y a eu le ras-le-bol devant les formalités administratives toujours plus compliquées pour rester en règle quand on vit entre deux pays, ou plus légèrement par une énième errance au supermarché du coin, fatiguée de ne toujours pas trouver les produits qui faisaient la base de mon alimentation de bobo parisienne!

Et puis, l'amour est revenu.
Il a été facile de retrouver le sourire au soleil des terrasses madrilènes, j'ai râlé à Paris quand le serveur m'a balancé sans un mot une addition aussi salée qu'un menu del día pour une malheureuse mousse... J'ai souri en arrivant à Barajas et en entendant les commentaires sur les joueurs de foot dont j'ai fini par connaître le nom(!) dans la radio du taxi qui me ramenait à la "maison"...  

Enfin, la question s'est posée et se pose toujours : faut-il "rentrer"? 
Mais "rentrer" où? 
Car au bout de 6 ans, apparaît un étrange sentiment, inconnu, inattendu...
On n'est plus totalement chez soi nulle part. Et on ne sera plus vraiment chez soi ailleurs, d'ailleurs...
On a beau râler contre certains travers de notre terre d'accueil, on est pas sûrs que l'endroit qu'on a quitté il y a longtemps sera(it) beaucoup mieux.   
Une fois "rentré", une fois réhabitué, le "Heimweh" que l'on ressent parfois sera remplacé par la nostalgie de la douceur de vivre madrilène.

Mais le "retour" n'est pas encore au programme, alors en attendant, il y a encore bien des choses à partager et à raconter sur la vie à Madrid, sous un nouvel angle...

A suivre!