miércoles, 2 de julio de 2014

S'installer en Espagne : impact de la crise sur l'emploi et l'immigration

A l'origine de ce blog était l'envie de raconter ma "migration" de Française en Espagne : en 2008, je quittais Paris pour Madrid.(voir la rubrique "tribulations d'une chômeuse en Espagne")

En juin de cette année-là, Libé titrait en une "le miracle espagnol" ou "l'Espagne qui gagne", je ne me souviens plus exactement... mais le ton était à l'admiration et à l'enthousiasme, après une coupe d'Europe remportée par la Roja, 4 années consécutives de croissance à 3%, d'excédent budgétaire, et de chômage à moins de 10%, divisé par deux en 10 ans.

En 2014, l'équipe d'Espagne se fait éliminer au Mondial au 1e tour, le chômage est à plus de 25%, ma nounou équatorienne m'annonce que son mari rentre en Equateur après 5 ans sans travail et El País titre : une hémorragie démographique sans précédents.

Déjà à mon arrivée en 2008, les effets de la crise économique commençaient à se faire sentir. J'en parlais ici même puisque cela affectait ma recherche d'emploi: les embauches ralentissaient et la pression à la baisse sur les salaires se renforçait de mois en mois. Pour un jeune expat diplômé, les annonces de petits boulots passaient d'un salaire de 18.000 € bruts annuels en mai-juin 2008 à 15.000€ en septembre puis 12.000€ un an plus tard...

Parallèlement, le chômage explosait : à commencer par le secteur du bâtiment, premier touché par l'éclatement de la bulle spéculative sur l'immobilier, on licenciait massivement. La consommation baissait, la croissance ralentissait, et rapidement les différents secteurs de l'économie ont été touchés. Des millions d'emplois, d'abord peu qualifiés, ont été supprimés et dès 2009, le chômage repassait à nouveau au-dessus des 18%.

Un durcissement des conditions de travail et de vie, qui se traduit aujourd'hui par une nouvelle émigration

Six ans plus tard, la crise, dont on n'imaginait pas, alors, l'ampleur, et qui a généré de véritables drames pour des millions de personnes, a bouleversé le paysage du marché du travail en profondeur. Même si la balance commerciale espagnole est excédentaire depuis fin 2013, même si le gouvernement (du Parti Populaire, conservateur) se targue que ses mesures d'austérité ont eu l'effet escompté et qu'on voit la fin de la crise, le chômage stagne au dessus des 26% et pour beaucoup d'étrangers en Espagne, il n'y a plus de beurre depuis longtemps et c'est la fin des haricots... L'heure est à nouveau aux migrations, mais cette fois, pour un retour au pays.

El País publie les données de l'Institut National de Statistiques sur le solde migratoire et en 3 chiffres, on prend la mesure de ce qu'on entend et entrevoit au jour le jour : en un an, un demi million de personnes a quitté l'Espagne (la majorité des étrangers)! Parmi eux, 80.000 Espagnols ont émigré pour chercher un travail. Du côté des étrangers, on constate un recul de près de 8%: soit 257.000 personnes qui sont parties...


La majorité de ces étrangers qui partent sont des travailleurs peu qualifiés, originaires d'Amérique latine, (Equateur, Colombie, Pérou et Bolivie essentiellement). Ils ont formé les bataillons de main-d'oeuvre bon marché, dans le bâtiment, dans le tourisme, la restauration ou les services de maison, dont l'Espagne a eu besoin pendant sa période faste du "béton roi". Ils se retrouvent aujourd'hui sans emploi, sans protection sociale et parfois sans maison, hypothéquée par la banque. Ils retournent chez eux, fatigués de ne plus décrocher au mieux que des petits boulots de quelques heures, payés de plus en plus mal et le plus souvent au noir.

Après les latino-américains, les plus nombreux à partir sont les Marocains, 2e population étrangère après les Roumains : ils sont aujourd'hui 6% de moins qu'en 2013.

Mais même les Chinois et les Européens sont plus nombreux à partir qu'à arriver en Espagne! Les Allemands (-2,55%), les Anglais (-1,45%) et les Français (-1%) s'en vont aussi majoritairement, de même que les Roumains (-5%). Au final, selon les chiffres de l'INE, il n'y a que les Italiens qui sont un peu plus nombreux entre 2013 et 2014 en Espagne (+0,7%) !

Si malgré tout, vous voulez tenter l'aventure et chercher un travail en Espagne

Alors, si les remarques générales que je faisais dans l'article de 2008 trouver un travail en Espagne sont encore valables aujourd'hui, il vaut mieux savoir les choses suivantes : 

1. La recherche d'emploi en Espagne est devenue une lutte pour l'emploi : aujourd'hui, les entreprises qui recrutaient des jeunes diplômés européens pour des salaires de 1.000 € par mois en 2008 "embauchent" des stagiaires aux mêmes postes.

2. La pression à la baisse sur les salaires s'est encore accentuée, et pas seulement à l'embauche: les syndicats constatent que les salaires ont littéralement baissé, puisque de source officielle, l'inflation cumulée entre 2007 et 2013 a atteint 13,5% et dans le même temps les salaires ont augmenté de 8,7% chez les salariés et seulement de 4,9% chez les cadres moyens (source: article "l'export fait vivre, mais..." de Libération, novembre 2013)

3. Pour les étrangers qui souhaitent s'installer en Espagne, l'inscription au registre des résidents étrangers, qui permet l'obtention du Numéro d'Identification des Etrangers se fait désormais sous conditions, même pour les ressortissants de l'Union Européenne : il faut pouvoir démontrer qu'on a un travail et/ou une couverture sociale, bref qu'on ne sera pas à la charge de l'Etat espagnol, pour obtenir le NIE, or c'est le sésame pour décrocher un travail légalement et payer des impôts...

4. La précarité est la règle : les CDD sont la norme et un CDI n'est plus synonyme d'une certaine sécurité de l'emploi. La réforme du marché de l'emploi du gouvernement de Rajoy en 2012 a "flexibilisé le marché du travail", c'est à dire, entre autres, facilité les licenciements. Ainsi les entreprises n'ont plus à payer autant d'indemnités aux salariés en cas de licenciement (on est passé de 45 à 33 jours d'indemnités par année travaillée).

5. Les indemnités de chômage sont plafonnées à 1.000€ par mois, et d'une durée maximale d'un an!
La fondation de l'ancien Président José María Aznar est d'ailleurs partisane de supprimer le droit au chômage et d'en faire une assurance privée... A bon entendeur!
Si vous souhaitez rentrer en France après avoir cotisé en Espagne, les conditions pour exporter vos indemnités sont drastiques... mais ce sera pour un prochain post!