domingo, 10 de mayo de 2009

Kafka chez les toros : la santé en Espagne


J'ai pas la grippe A mais quand même...

L'été a fait une première apparition cette semaine à Madrid : grand soleil, 29°, que du bonheur ! Enfin ç'aurait pû être que du bonheur, si ces changements de temps un peu brutaux ne m'avaient pas fait choper une crève carabinée... et plonger dans l'enfer administratif une nouvelle fois.

Mercredi impossible de me lever. J'appelle mon patron pour le prévenir, qui me dit gentiment qu'il faut que j'aille chez le médecin. Parce qu'il se préoccupe de ma santé, certes, mais aussi parce qu'il me faut un mot du médecin pour rater le boulot.

Direction le centre de santé
Qu'à cela ne tienne, un peu dans les vapes, je rassemble les papiers qu'il faut présenter pour m'inscrire au dispensaire dont je dépends et obtenir ma carte de santé (Pour ceux qui auraient lu mon article sur l'empadronamiento et la carte de santé de janvier, non, je ne l'avais pas fait jusqu'ici ! Que voulez-vous, mon deuxième prénom c'est "Procrastinación" : j'ai une fâcheuse à remettre au lendemain ce que je peux faire le jour même et depuis janvier, non, je n'ai toujours pas fait faire ma carte, mea culpa!). En théorie, je dois présenter mon certificat d'empadronamiento et un justificatif d'inscription à la sécurité sociale, contre quoi on m'attribuera une carte et un médecin traitant, qui me traitera sans frais.

Les papiers sous le bras, je me mets en route. Le trajet jusqu'au centre de santé en question dure 15 minutes à pied, d'habitude. Là, dans les rues encombrées d'un petit matin madrilène, il me paraît durer le double, mais la pensée qu'un médecin et le sésame pour aller se recoucher sont à la clé m'aide à avancer.

Acte 1, scène 1
... où l'on s'aperçoit de l'importance de rentrer dans les cases

J'arrive au centre de santé. J'ai bien fait de venir tôt, me dis-je : il n'y a que 3 personnes dans la file d'attente et 3 personnes derrière le guichet pour traiter les dossiers, mon tour arrive vite. J'explique à la dame ce qui m'arrive et lui demande, confiante, qu'elle m'inscrive pour qu'on puisse m'attribuer un médecin et qu'il puisse m'ausculter. Je lui tends mon certificat d'empadronamiento et un certificat de contrat de travail, qui prouve que je cotise bien à la sécurité sociale et porte mon numéro d'affiliation.

La tête de la personne derrière le guichet se fait dubitative puis sévère. Elle me demande en examinant le certificat de contrat de travail sous toutes les coutures, ce que c'est que ce papier. Je lui lis le titre du document... elle me regarde d'un air mi-ironique mi-sceptique et me demande si je travaille en Espagne. Même si la question paraît absurde vu qu'elle tient en main la preuve que oui, j'acquiesce docilement et lui dis depuis quand. Elle reprend le papier et me dit "Désolée, Señorita, ça ne va pas, ce n'est pas un papier officiel de la sécurité sociale, mais de l'INEM, et il ne porte pas votre numéro d'affiliation à la sécu..."

Je lui montre d'un doigt tremblant la case où c'est écrit, par dessus le guichet. Elle me répond Oui, mais l'INEM c'est pas la sécurité sociale : le numéro pourrait être éronné, puisqu'il a été tapé par une tierce personne, cette personne pourrait s'être trompée, donc ce n'est pas valable...
Et elle me rend la feuille, qui, soit dit en passant, porte le seing du ministère du travail, dont dépend la sécurité sociale ET l'INEM. Je me sentais déjà pas en forme mais là je sens que je vais pas avoir l'énergie de me battre... je suis fatiguée, j'ai de la fièvre, je veux juste voir un médecin s'il vous plaît... les larmes commencent à couler... La dame se radoucit et me dit qu'elle va me donner un rendez-vous avec un médecin, mais qu'ensuite il faudra que je revienne pour faire mes papiers.

Acte 1, scène 2
... où l'on s'imprègne des couloirs du dispensaire

Elle rentre donc mon nom dans sa machine, puis me donne un papier portant l'heure de mon rendez-vous (9h38) et m'indique le couloir où attendent déjà une dizaine de personnes. Je fais baisser la moyenne d'âge de 30 ans, en m'asseyant sur un des sièges de ce qui m'apparaît comme un mouroir.

Au bout de 20 minutes, un médecin passe la tête par la porte et j'entends mon nom. Je me lève. Mon bonheur est de courte durée : je dois retourner à l'accueil, car il y a une erreur.

Je retourne donc au guichet, attendant du regard que la petite dame veuille bien . On me tape sur l'épaule : c'est un petit vieux furibard, qui attend son tour et ne veut pas que je lui passe devant. Je baragouine comme je peux que je ne veux pas lui prendre sa place mais les autres patients s'en mèlent... je dois faire la queue comme tout le monde ! Je laisse passer ces gens en attendant que la dame de l'accueil me fasse un signe et me donne un autre papier, en m'indiquant cette fois la salle 7.

Je me dirige donc vers un second couloir, en sous-sol cette fois, et attends sous les néons blafards. Dix minutes passent, un autre médecin m'appelle et cette fois c'est la bonne !

Acte 2 - La consultation express
... où l'on comprend que les médecins madrilènes fassent grève pour plus de moyens.


Le médecin me demande mes symptômes, m'ausculte en 10 secondes et en 15 secondes supplémentaires m'imprime l'ordonnance et un justificatif d'absence. Lui arrive très bien à voir mon numéro de sécu sur le papier de l'INEM, comprend pas bien qu'on n'ait pas accepté ce papier officiel, mais il prend 10 secondes de plus pour me dire "Désolé, Señorita, sans carte de santé, je ne peux pas vous donner de "baja", vous mettre en arrêt maladie".
En moins de 5 minutes je suis sortie de la consultation avec un diagnostic : c'est un rhume, et une prescription : du paracétamol !

Acte 3, scène 1
... où l'on découvre que le padron a une date de validité


Je rentre chez moi, en marchant à deux à l'heure sous le soleil qui commence à taper. Une demi-heure plus tard je refais le chemin en sens inverse avec mon certificat portant mon NIE, celui de l'empadronamiento et de la sécurité sociale. Cette fois, il y a plus de queue et j'attends à nouveau 10 minutes debout pour qu'on me donne cette maudite carte de santé.

Une autre employée prend mes papiers, rentre mon NIE dans la machine, en butant sur mes nom (1 seul et pas 2) et prénom (3 au lieu de 2), avant de me regarder gênée pour me dire "... il y a un problème, Señorita, votre certificat d'empadronamiento est expiré". Incrédule, je lui demande comment c'est possible. Elle me dit qu'il date de janvier et que ce papier-là n'est valable que 3 mois. Mon certificat date du 26 janvier, on est le 5 mai... ça fait donc moins de 8 jours ouvrables que le papier n'est plus valable...

Là je me transforme en fontaine, les joues en feu, hoquetante, reniflante, je suis juste épuisée, je viens de faire deux allers-retours et plus de 45 minutes de queue alors que je voudrais être au fond de mon lit pour m'entendre dire ça ! Cette fois, on me prend en pitié. La dame se dit que pour 8 jours, au fond, elle peut bien faire une petite entorse au règlement. Elle entreprend donc de m'établir une carte de santé !

Acte 3, scène 2
... où l'on comprend qu'on n'est pas de taille à lutter contre la machine

Je me crois sauvée, me mouche et sèche mes larmes, qui commençaient à laisser des sillons sur mes joues, quand je vois son visage changer de couleur. Une ombre passe. Elle tourne la tête ennuyée vers sa collègue qui s'est occupé de mon cas ce matin et lui demande si elle a la liste des centres de santé.
Elle regarde 15 fois dans ses papiers, bredouille, elle est super emmerdée, puis lève la tête vers moi et m'annonce avec un ton endeuillé : Señorita, il y a un problème : vous ne dépendez pas de ce centre.

C'est presque à en rire : la rue où j'habite dépend bien de ce centre, mais seulement les numéros de 1 à 17. Le numéro 16, où j'habite, fait partie des numéros 4 à 22, les pairs donc, qui dépendent d'un autre centre, à l'autre bout du quartier. D'où l'erreur de la personne qui m'avait indiqué ce centre la 1e fois.

Acte 4
Cette fois, j'ai même plus la force de pleurer... je ramasse mes papiers, remercie ces dames pour leur patience (elles sont plus emmerdées que moi au final!!) et remonte les pentes du barrio de las letras sous un vrai cagnard, avec mon rhume ridicule et ma tête en chou-fleur.

Evidemment, 30 minutes plus tard, arrivée en sueurs à l'accueil de l'autre centre, la dame de l'accueil ne veut rien entendre : mon certificat est expiré, un point c'est tout. Je dois donc en refaire faire un et revenir et c'est tout.

Fin : Je suis rentrée me coucher, j'ai déclaré forfait.

Moralité : vive la simplicité
Je sais bien que c'est facile de râler en bonne franchute*, de faire mon expat' chiante qui tombe des nues et défaille devant les procédures absurdes d'un pays d'accueil qui porte mal son nom.

Je sais bien que quand on remet toujours au lendemain et qu'en plus on ne lit pas les petits caractères sur les imprimés, après faut pas venir se plaindre que l'administration espagnole est inhumaine, kafkaïenne et liguée contre moi !

Je sais que c'est en partie ma faute, mais tout de même, il y a des fois où on se sent tellement impuissant, pris dans les rouages de la machine, qu'on se prend à rêver d'un peu plus de simplicité et de clarté...

La suite au prochain numéro de Kafka chez les toros !

PS : Pour info, voulant aussi faire dans l'utile et pas seulement dans les lamentations, je viens de chercher sur le site de la mairie de Madrid, une liste ou un mode d'emploi des centres de santé que je pourrais publier, un lien pour faciliter la vie aux potentiels volontaires à l'immigration arrivés sur ce blog.
J'ai pas trouvé... et au bout de 5 minutes, j'ai déclaré forfait.
Encore.
Un peu plus de clarté, je disais !!

*nom dont nous affublent les Espagnols, lorsqu'ils parlent des Français et de leurs défauts : sempiternelles râleries ou complexe de supériorité...

2 comentarios:

Linou dijo...

Pauvre Pâquerette...
Quel périple! Je me suis d'ailleurs toujours demandée pourquoi l'Espagne avait une administration aussi rigide et obtue... Ceci dit, c'est toujours un plaisir de te lire, j'aime beaucoup ton style.
En ce qui me concerne, l'enfer administratif va bientôt commencer: l'homologation de ma maîtrise et de mon "titre" de prof... Administration espagnole vs administration française, je sens qu'on va s'amuser...
Merci en tous cas pour tes conseils et ta bonne humeur! Longue vie à la migration de la cigogne!

Paquerette dijo...

merci Linou pour tes remarques et encouragements !

Je te souhaite bon courage pour cette plongée dans l'enfer administratif et j'espère que tu nous donneras des (bonnes!) nouvelles quand tu en auras !

à bientôt !