miércoles, 11 de junio de 2014

Felipe de Asturias sera Felipe VI

Depuis l'abdication de Juan Carlos I, le 2 juin, le processus de succession est en cours au sein des institutions espagnoles, qui se préparent pour permettre la proclamation du nouveau roi, Felipe VI, le 19 juin, au Parlement à Madrid.
Evidemment, le sujet occupe l'espace public et les débats sur le processus lui-même s'étendent au bien-fondé et à l'avenir de la monarchie parlementaire.

Ce qui a frappé la Française que je suis, tellement habituée à la République et à voter pour élire son président, que devenir chef d'Etat parce qu'on est né dans la bonne famille au bon moment, paraît une aberration doublée d'une injustice héritée d'un autre âge, c'est le nombre de gens comme vous et moi, les pieds bien dans le XXIe siècle, sans jabot ou perruque poudrée, et pas forcément grenouilles de bénitier ou va-t-en-guerre, qui sont plutôt favorables à ce que Felipe succède à son père, Juan Carlos.

La monarchie espagnole en crise? 
- Oui il y a eu des manifestations en faveur de la République, le 2 juin dernier, et ce dimanche, les photos ci-dessous ont tourné côte-à-côte sur les réseaux sociaux, pour tourner en ridicule la poignée de monarchistes qui a souhaité faire une contre-manifestation "en faveur de la constitution espagnole et de la monarchie parlementaire", samedi 7 juin.
http://www.huffingtonpost.es/2014/06/02/fotos-republica_n_5434110.html?utm_hp_ref=spain
En faveur de la République - GTRES

En faveur de la Monarchie, samedi 7/6/2014




- Oui, une semaine après l'abdication, dans 40 villes d'Espagne, des milliers de personnes manifestaient à nouveau pour un référendum et le droit de décider si oui ou non Felipe doit monter sur le trône.


- Oui, il y a une érosion de la popularité des Bourbons, comme le montre le graphique ci-dessous
http://www.eldiario.es/agendapublica/nueva-politica/monarca-debera-escuchar-jovenes-izquierda_0_266674440.html
Moyenne de "confiance dans l'Institution Monarchique". Echelle d'autopositionnement idéologique. Source CIS.

- Oui, il y a eu des remous lorsque le journal satirique El jueves s'est vu censurer une "une" jugée trop "sans-culotte" (à droite ci-dessous, le roi remet une couronne nauséabonde à son fils) par sa maison d'édition

http://www.elperiodico.com/es/noticias/politica/dibujantes-jueves-acusan-rba-censura-portada-rey-3292359

Une majorité d'Espagnols en faveur de la monarchie 

Pourtant, nombreux sont ceux qui ne voient pas d'un mauvais oeil que l'Espagne demeure une monarchie parlementaire, à commencer par les deux principaux partis, Partido Popular (PP) et Partido socialista obrero espagnol (PSOE, parti socialiste), qui vont voter au Parlement la loi organique nécessaire à la succession et dont les leaders ont été impliqués dans la préparation de l'abdication.

Alors... que le PP, qui rassemble les différents courants de la droite, parmi lesquels les plus conservateurs, les héritiers du franquisme, les monarchistes, les catholiques, etc... soit un bastion de la monarchie, ça paraît logique, mais que le Parti socialiste ouvrier espagnol y soit favorable (seuls deux députés PSOE ont réclamé la liberté de vote pour le vote de la loi organique d'abdication, et s'ils rompent la discipline du parti, ils recevront une amende de 400€) vous avouerez que ce n'est pas totalement évident...

Et selon un sondage metroscopia pour El País, une majorité des Espagnols serait favorable à un référendum (62%), mais près de la moitié des interviewés déclare être, dans ce cas, disposés à voter pour une monarchie et pour Felipe comme roi. Et même chez les votants socialistes, on compte plus de potentiels votants pour la monarchie que pour la république (46% vs 43% respectivement)!

"Un référendum devrait-il être organisé pour que les Espagnols décident s'ils préfèrent que l'Espagne demeure une monarchie?" 
Sondage Metroscopia pour EL PAIS

Dans le cadre d'un référendum où vous seriez appelés à choisir entre une monarchie avec Don Felipe comme roi et une République présidée par une figure publique d'importance, que choisiriez-vous? 

http://elpais.com/elpais/2014/06/06/media/1402074496_679180.html
Sondage Metroscopia pour EL PAIS
49% une monarchie avec Don Felipe comme roi (79% chez les votants PP, 46% votants PSOE; 7% votants IU)
36% une république présidée par une figure publique d'importance. (11% PP, 43% PSOE; 86% IU)
PP: Parti Populaire; PSOE: Parti socialiste; IU: Izquierda Unida, gauche unie. 


5 raisons du soutien des Espagnols à la monarchie

1) D'abord la popularité de la monarchie a tenu au rôle et à la personnalité de Juan Carlos, et pendant longtemps, on a compté plus de juancarlistas, dont j'ai déjà parlé dans mon post sur l'abdication du roi, que de monarchistes en Espagne. Des 2 bords, certains voyaient en lui un rempart contre leur pire cauchemar: rempart contre le retour de la dictature militaire pour les uns, rempart contre la "chienlit" dont parlait un grand démocrate bien de chez nous, pour les autres.   

2) Le roi est une figure publique stable, une institution, par définition: l'homme incarne la fonction, il devient un symbole de l'unité d'une nation, comme le drapeau, ou l'hymne, et il est bon que la représentation de l'Etat-nation s'inscrive dans la durée.

3) Le roi est une figure apolitique, disent les partisans de la monarchie parlementaire, une figure publique, qui représente l'Etat espagnol dans la continuité, indépendament des orientations partisanes et sans être soumis à la temporalité des débats politiques.

3 bis) Dans sa fonction de représentation, il incarne l'Etat "sans arrières-pensées", et peut intervenir dans des moments de communion nationale, aussi bien festifs de tragiques, sans être soupçonné de vouloir récupérer l'événement pour des raisons électoralistes.

3 ter) Il voit justement ses pouvoirs limités à des fonctions de représentation, qu'il remplit aussi bien que n'importe qui, voire mieux puisqu'il parle a priori plus de langues que nos élus, et a été formé au protocole et n'empochera pas le stylo qui a servi à signer l'accord intergouvernemental devant les caméras du monde entier...

4) Le roi dans une monarchie parlementaire est contrôlé par le Parlement, par les élus, et c'est donc le peuple, qui décide in-fine des pouvoirs, du traitement et des droits qui sont accordés au souverain et à sa famille. Cela évite d'une part, les dérives d'un Président issu de la majorité qui pourrait, se faire voter des pouvoirs extraordinaires, ou, suivez mon regard, une augmentations de salaire, et d'autre part, le risque d'abus de biens...

5) Se sachant sur un siège éjectable, dépendant de la volonté du peuple, mais sans être totalement légitimé par un suffrage universel, le roi, par une sorte de mécanisme d'auto-censure, agirait dans le cadre de ses pouvoirs limités, de manière plus modérée, et dans l'intérêt réel et à long-terme du pays, alors qu'un Président issu d'un mouvement politique et qui connaîtrait la fin de son mandat, serait plus tenté de profiter au maximum des ors de la République, personnellement, ou dans l'intérêt de son parti.

Des arguments qui peuvent être débattus et pour certains retournés facilement mais qui prêtent à réfléchir à notre Ve République et aux garde-fous du pouvoir, non?

Plus d'infos et d'avis sur la question (pour les hispanophones):
Luis Arroyo: Para que sirve un rey
Agenda Pública: La legitimidad de Felipe VI pasa por la izquierda y los jóvenes
El País: La mayoría de Españoles desea una consulta sobre el modelo de Estado
Dossier de El País sur l'abdication du roi 


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