viernes, 15 de mayo de 2009

Marseillaise versus marche royale: l'hymne espagnol sifflé et censuré


La finale de la Copa del Rey (coupe du roi) de football ce mercredi 13 mai, a mis sur le devant de la scène un sujet que j'avais eu envie de traiter ici, et a apporté un élément de réponse aux questions que je me posais sur l'hymne national espagnol.

Vous vous souvenez peut-être, le 11 mars, me rendant à mon bureau, je traversais la place de la Puerta del Sol et été témoin de la cérémonie en hommage aux victimes de l'attentat d'Atocha, à laquelle assistait Esperanza Aguirre. Ce dont je n'ai pas parlé dans mon post à ce sujet, c'est de la bande sonore d'une telle cérémonie : le requiem de Mozart suivi de l'hymne espagnol.

Tandis que je passais sous le regard de "la Espe", sur la Puerta del Sol s'élevaient les notes de ce marche, ce morceau de musique classique, sans parole, appelée "la marcha real" ou "la marcha granadera". Tous s'étaient figés et j'avais limite dû marcher sur les pieds d'un militaire au garde-à-vous, pour passer.

Toute la journée qui a suivi, je me suis surprise à fredonner cet air "Papa papa papapapapa pa..." (en écoute sur wikipedia c'est ptet plus parlant). Vous m'imaginez en train de fredonner la marseillaise ? Ben moi non, rien que d'y penser j'en ai des frissons.

La marseillaise, un hymne national qui cristallise les passions
Je ne me vois pas siffloter gaiement la marseillaise, d'abord parce que c'est un air sanguinaire et archaïque dans lequel je ne me reconnais pas, ensuite parce que, bien qu'un brin chauvine quand il s'agit de défendre le camembert au lait cru, le champagne (bien meilleur que le cava, toutes mes confuses à mes amis catalans), les médias, la richesse du patrimoine culturel, historique, gastronomique, et j'en passe et des meilleurs ;o) de la France, je rejette assez en bloc les symboles susceptibles de fleurer le nationalisme.

Mais là c'est pas pareil, l'hymne espagnol est muet, c'est une marche militaire, de la musique classique, martiale certes, mais mélodique.

La musique (sans paroles) adoucit les mœurs
Et je me suis demandé ce que pouvaient ressentir les Espagnols à entendre leur hymne, s'ils avaient ce même rejet potentiel de ce symbole de la nation. Peut-on totalement détester des accords de musique classique, qui n'incitent pas à la haine contre de supposés ennemis héréditaires ?

J'ai bien sûr posé la question à mon spécialiste es-Espagne et société espagnole personnel.
Je traduirai un jour dans ce blog en espagnol, les paroles de la marseillaise qui n'ont pas manqué de faire leur effet. Le bon goût français se pose là... Mais lorsque je lui parlais des sifflets et de la mauvaise relation qu'ont beaucoup de Français avec leur hymne, il n'a trouvé comme exemple de défiance que les couplets de l'hymne espagnol dans leur version enfantine. Rien de bien méchant !

A la recherche de la lettre perdue

Après quelques recherches, j'ai découvert que différentes "letras", paroles, avaient été ajoutées au long de l'histoire, qui portent les stigmates de leur époque. Récemment encore, dans une volonté de donner un sentiment d'unité plus fort aux Espagnols en leur donnant la possibilité d'entonner leur hymne (notamment aux sportifs, qui ne peuvent que l'écouter en silence lors des compétitions sportives), le comité olympique espagnol a lancé un concours pour donner des paroles à l'hymne. Sans succès : les propositions furent écartées (voir article sur rue89).

Hymne et identité nationale
La relation qu'on a avec son hymne, symbole national, ne vient évidemment pas seulement d'un problème de paroles, mais bien plutôt de son histoire et de la relation que chaque personne a avec l'Etat-nation auquel il appartient.

Défiance en France...
On ne peut que comprendre la réaction de djeunes (de banlieues ou non), issus de l'immigration ou simplement en rébellion contre le symbole d'un Etat national qui ne les traite que par la peur ou le mépris, contre la Marseillaise.

Symptôme plutôt que solution, une commission ad-hoc, créée après les derniers incidents dans des stades, s'apprêtait il y a quelques semaines à créer un délit pour sanctionner de 15000€ d'amende et d'une peine de prison ceux qui auraient sifflé ou conspué la Marseillaise.

Et en Espagne ?

Depuis que je vis en Espagne, il ne m'avait pas semblé noter une telle défiance envers l'hymne national.

... Jusqu'à cette semaine et la finale de la Copa del Rey. Voilà que tout à coup, j'apprends que l'hymne a été sifflé avant le match qui opposait le FC Barça à l'Athleti Bilbao (voir article du monde à ce sujet) et cette séquence de sifflets censurée par la télévision nationale espagnole (TVE).

Dans le stade se sont retrouvés face à face parmi les supporters des 2 équipes, les nationalistes en rouge et blanc (Bilbao) et nationalistes blaugrana (Barcelone) qui, pour certains, à part leur amour du foot, n'ont en commun que la haine de la monarchie et le rejet des symboles du pouvoir central espagnol.

Au moment où a résonné la marche royale, c'est le stade entier, à quelques exceptions près, qui s'est mis à vibrer de sifflets. Le responsable des programmes sportifs de la TVE a décidé de faire un décrochage en région pour ne pas diffuser ce moment à l'Espagne entière devant son poste. Accusé de censure, a été limôgé dans les jours qui ont suivi.

Alors, on siffle autant la Marseillaise que la Marcha Real ?
Que cette décision fasse débat, c'est certain. Fallait-il ou non retransmettre ce moment de liesse collective dirigé contre l'Etat espagnol ? Faire entendre cette réalité ou la masquer ? Il semble que les réactions ont été nettement en faveur de la faire entendre et la TVE a tranché.

Pourtant, je reste assez certaine que les Espagnols en général n'entretiennent pas de relation conflictuelle avec leur hymne : les sifflets de la Copa del Rey différent des sifflets français, ils traduisent plus les relations conflictuelles que 2 régions à l'histoire et à l'identité affirmée entretiennent avec le pouvoir central espagnol, qu'un malaise des Espagnols vis-à-vis d'un symbole national. Pour les Espagnols qui ne sont pas de ces régions, il me semble que c'est encore un consensus ou une relative indifférence qui fait loi.

Amis Espagnols, Catalans, Basques ou Castillans : qu'en pensez-vous ?

PS : au fait, le Barça a gagné ;o)
Plus d'infos : Article de Libération ; article sur les sifflets contre la marseillaise sur rue89

4 comentarios:

Mathieu dijo...

Juste une petite remarque sur la Marseillaise, qui par ailleurs m'émeut peu : archaïque sûrement, sanguinaire, je ne crois pas, en tout cas pas pour l'époque. Regarde donc le 5º couplet, que j'ai isolé ici pour spammer un peu : http://mathieu1.typepad.com/blog/2007/03/la_marseillaise.html

Ah, et les bons cavas sont meilleurs que les mauvais Champagne :P.

Un beso!

Paquerette dijo...

merci Mathieu pour ton commentaire !

effectivement je ne connaissais pas ce couplet, parlais plutôt du 1e couplet et de l'étendard sanglant, ainsi que du refrain, que l'on connaît tous et du sang impur qui devrait abreuver nos sillons... Le 5e couplet que tu cites est plus magnanime, mais reste dans un registre assez violent, non ?

Certes tu as raison, il faut le replacer dans le contexte historique, celui de la révolution française et d'un soulèvement des peuples, forcément violent. Il n'en demeure pas moins que c'est un chant de guerre et qu'aujourd'hui, il me paraît assez difficile à apprécier !

Quant aux cavas, comme pour tous les vins, la qualité dépend du travail et du raisin, c'est vrai aussi... Alors ne soyons pas chauvins ! Le bon cava est forcément meilleur qu'une piquette !
Je n'attends que l'occasion de le découvrir :)

PS: je ne sais pas si tu as vu, mais je dois avoir un problème avec ton flux RSS : les actualisations de ton (excellent:) blog n'apparaissent pas dans ma colonne de droite... Si tu as une solution à ce problème, feel free !

Mathieu dijo...

De toute façon mon hymne national préféré c'est celui de Brassens : "Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part" :).

Quant au petit blog qui a l'insigne honneur d'apparaître sur le tien < / peloteo>, chez moi il s'actualise parfaitement dans ta colonne : le dernier billet mentionné est "Ban Day, ou la révolution sur Menéame, le Digg espagnol", qui est le dernier que j'ai publié. Le seul problème c'est que je n'actualise pas très souvent...

paquerette dijo...

ok mea culpa (décidément...)
je pensais avoir lu d'autres articles plus récents de passage sur ton blog, mais j'me suis trompée...

Donc le flux RSS marche, en voilà une bonne nouvelle!

et au sujet des imbéciles qui sont nés qqpart... moi j'adore les "madrileños del mundo" et voilà maintenant la version auvergnate sur lamontagne.fr ...

Alors, ça rentre dans la catégorie, les Auvergnats du bout du monde ? Oui parce qu'ils se définissent comme Auvergnats, ou alors on les pardonne parce qu'ils sont partis de leur Auvergne natale ?
Rubrique Les Auvergnats du bout du Monde sur lamontagne.frIl y a d'ailleurs un Madrilène Auvergnat, (à moins que ce soit l'inverse ?)