Vous vous souvenez d'Astérix en Hispanie ?
Dans la BD, dans chaque ville où passe Astérix et Obélix, il suffit d'un olé murmuré pour que tous les habitants se mettent à danser et à chanter. Vous vous souvenez ?
Eh bien, même si ça fait cliché, cette image de fiesta permanente me vient souvent à l'esprit depuis que j'habite en Espagne. Non que la vie à Madrid soit une fête perpétuelle mais il faut avouer que les fiestas sont fréquentes et surtout que tout est prétexte à faire la fête !
Tudela de Duero est un gros village de la province de Valladolid, et il n'a rien d'exceptionnel.
Sauf que...
Fin mai, c'est la fête de l'exaltation de l'asperge (déjà fallait y penser).
Le 15 août, c'est l'Assomption, comme en France et les autres pays de tradition catholique. Sauf qu'à Tudela, la fête de Nuestra Señora de Asuncion y San Roque débute la veille par une verbena (une "veillée", avec bal populaire et fête en bonne et due forme) et dure jusqu'au 18 août. 3 jours au cours desquels se succèdent verbenas, courses de taureaux dans les rues (encierros) et corridas. Et c'est justement pour préparer ces fêtes qu'on en fait une autre, la pedida de toros, qui s'est déroulée ce week-end dans ce gros bourg de 8 000 habitants.
La 'Pedida de toros' (la demande des taureaux) c'est tous les ans, le 24 juillet, veille du jour du saint patron de Tudela, Santiago. Vers une heure du matin, les habitants et les associations de voisins (peñas) se rassemblent sur la place principale. Le maire de Tudela arrive sur la scène à 1 heure et se lance dans un discours à ses chers concitoyens où il annonce que cette année, c'est la crise, que les caisses du village sont vides et qu'il faudra donc se contenter de vaches pour les encierros, les courses bovines du 15 août.
Les habitants le huent, protestent bruyamment et scandent «Toros sí, vacas no» : on veut pas de vaches, on veut des taureaux ! Après quelques simagrées, le maire finit par céder et promet qu'il n'y aura pas de pauvres vachettes pour les encierros mais bien de beaux et mâles toros.Tous le village explose de joie et entonne le refrain habituel "ay, fogato, ay fogato, que paliza que te van a dar, por ir a pedir los toros, sabiendo que no los hay" et c'est parti pour le bal avec orchestre où jeunes et vieux se trémoussent sans complexes, enchaînant les copas (cocktails) et les paso dobles. Imaginez-vous un mariage avec sa chenille auquelle participerait tout un village... et ça, c'est seulement pour s'entraîner.
Un simulacre qui revient tous les ans, une tradition unique
Tous les ans, le maire refait son speech pour annoncer qu'il n'y aura que des vaches.
Et tous les ans le village fait semblant de le croire et demande des taureaux.
Et tous les ans ce sont des taureaux qui courent dans les rues du village barricadé, comme aux San Fermines à Pampelune.
Et quand on raconte cette tradition, nos amis Espagnols eux-mêmes hallucinent... Elle n'existe ou ne subsiste visiblement que dans quelques endroits et sous d'autres formes : dans la province de Zamora, par exemple, ou dans d'autres villes, ce sont les reines de beauté de l'année qui demandent au maire les taureaux pour les fêtes.
Flipa... comme ils disent !